A la suite de son licenciement, un salarié saisit la juridiction prud’homale.
Les juges d’appel, qui ont reconnu le licenciement comme nul, déboutent cependant le salarié de ses demandes de rappel de salaires et d’indemnités de congés payés, pour les mois qui se sont écoulés entre son éviction et sa réintégration. Le salarié se pourvoit alors en cassation.
Il revenait à la Haute juridiction de trancher la question suivante : la période d’éviction, entre le licenciement du salarié et sa réintégration, ouvre-t-elle droit à l’acquisition de congés payés ?
La question est d’importance, ainsi qu’en témoigne la réponse, didactique, de la formation plénière de la Cour de cassation (Cass. soc., 1-12-21, n°19-24766) : il y a lieu de juger désormais que, sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail
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Retour sur la portée de cette décision.
Rappelons que la nullité d’un licenciement peut être prononcée dans plusieurs cas, et notamment, comme en l’espèce, lorsque le contrat d’un salarié est suspendu pour des raisons liées à sa santé, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
En effet, dans cette hypothèse, les articles L 1226-9 et L 1226-13 du code du travail interdisent à l’employeur de licencier le salarié dont le contrat de travail est suspendu.
Il existe deux exceptions à ce principe : en cas de faute grave commise par le salarié et en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
C’est pourquoi, lorsque l’employeur licencie le salarié en violation des prescriptions légales, il faut le sanctionner et réparer le préjudice subi par salarié : le licenciement encourt la nullité.
Le salarié peut alors demander à être indemnisé, ou à être réintégré dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent (Cass. soc., 30-4-03, n°00-44811).
Dans ce cas, le juge va considérer que le licenciement n’a jamais eu lieu.
En toute logique, le salarié doit aussi percevoir les rémunérations qu’il aurait reçues, s’il n’avait pas été licencié. Mais qu’en est-il des congés payés ? Le rétablissement de la situation va-t-il jusqu’à admettre le droit à acquérir des congés payés ?
Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que non. Pour elle, en effet, En cas de réintégration dans l’entreprise à la suite d’un licenciement nul, le salarié ne peut pas bénéficier de jours de congés pour la période d’éviction pendant laquelle il n’a pas travaillé, cette période ouvrant droit à une indemnité d’éviction
(Cass. soc., 11-5-17, n°15-19731).
Sa logique était la suivante : si l’indemnité d’éviction compense les salaires qu’aurait perçus le salarié sans l’inexécution fautive par l’employeur de son obligation de fournir du travail, elle ne permet pas d’obtenir des congés payés, car la période d’éviction n’est pas du temps de travail effectif (Cass. soc., 30-01-19, n°16-25672).
Cette jurisprudence a été ébranlée par une décision de la CJUE. Pour le juge européen en effet, la période comprise entre le licenciement, et la réintégration, doit être assimilée à du travail effectif, et ouvrir droit à congés payés (CJUE., 25-6-20, aff. 762/18 et aff. 37/19).
Le raisonnement est différent, la CJUE déconnecte, dans certains cas, la finalité des congés payés, du droit à en bénéficier.
Elle reconnaît que les congés payés ont pour but de permettre au salarié le repos et de s’adonner à des loisirs. Mais pour elle, lorsque le travailleur est incapable de remplir ses fonctions, pour une cause imprévisible et indépendante de sa volonté, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé (CJUE., 24-1-12, Dominguez, aff. 282/10).
La Cour de cassation s’aligne sur la position de la CJUE.
Elle précise que la période comprise entre l’éviction et la réintégration doit être assimilée à du temps de travail effectif, pour la détermination des congés payés, avant de limiter ce principe, toujours en suivant la CJUE, au salarié qui n’aurait pas retrouvé un emploi au cours de cette période.
Attention à ne pas trop étendre cette solution : la décision a été rendue en matière de réintégration consécutive à un licenciement nul. Pourra-t-elle également s’appliquer en cas de réintégration consécutive à un licenciement injustifié ? Cela n‘est pas certain.
Dans une affaire rendue le même jour, la Cour de cassation a de plus considéré que : L’indemnité due, en application de l’article L 2422-4 du code du travail, au salarié protégé, licencié sur le fondement d’une décision d’autorisation de l’inspecteur du travail ensuite annulée, a, de par la loi, le caractère d’un complément de salaire. Il en résulte que cette indemnité ouvre droit au paiement des congés payés afférents
(Cass. soc., 1-12-21, n°19-25715).
Que penser de cette décision ?
La solution est favorable au salarié : elle met fin à une situation difficilement justifiable ; celle d’un salarié, évincé de son poste en raison d’un licenciement nul, par la faute de l’employeur, et qui était, en prime, privé de ses droits à congés payés.