Le seul fait qu’un salarié n’ait pas bénéficié de son droit au repos quotidien constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ouvrant droit à réparation. C’est ainsi que juge la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 février 2024.
En l’espèce, un salarié embauché en qualité d’agent d’exploitation d’une société de télésurveillance a saisi la juridiction prud’homale, aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de dommages et intérêts. Précisément, le salarié reproche à son employeur un manquement à son obligation de sécurité, résultant d’une méconnaissance du temps de repos de douze heures entre deux services tel que prévu par un accord collectif applicable dans l’entreprise.
La cour d’appel le déboute pourtant de ses demandes. Si elle ne remet pas en cause le fait que l’employeur n’avait pas respecté le temps de repos conventionnel, elle conclut que le salarié ne démontre pas en quoi cela a pu lui porter préjudice.
Le salarié se pourvoit ainsi en cassation. Il soutien « que le non-respect par l’employeur des temps de repos entre deux périodes de travail, qui contrevient à l’obligation de sécurité, génère nécessairement un préjudice ».
La Cour de cassation accueille favorablement l’argument du salarié et censure l’arrêt de la cour d’appel. Elle considère que « le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier de douze heures entre deux services ouvre droit à réparation ». Plusieurs remarques entourent cette solution privilégiée par la Haute juridiction :
- Evolution du contentieux d’indemnisation : seul le manquement à une obligation légale, en l’occurrence celle de la sécurité, cause nécessairement un préjudice au salarié, sans que celui-ci soit tenu d’en apporter la preuve. Le présent arrêt, suit les raisonnements identiques qui ont été dégagés dans la jurisprudence de la Cour concernant le respect des durées maximales légales quotidienne et hebdomadaire (pour référence : Cass., Soc., pourvoi nº 20-21.636, 26 janv. 2022, Cass., Soc., pourvoi nº 21-22.281, 11 mai 2023).
- Pour se prononcer, la Cour ne vise pas l’article L3131-1 du Code du travail posant la durée légale de repos quotidien, mais se réfère aux dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise. Elle vise aussi expressément l’article L. 4121-1 du même code relatif à l’obligation de sécurité de l’employeur, qui impose « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». A la lumière de la règlementation européenne, tant les dispositions conventionnelles en cause que l’article L. 4121-1, « participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ».
Cass., Soc., pourvoi nº 21-22.809, 7 février 2024