Dès lors que l’employeur ne respecte pas les précautions minimales imposées en vertu du respect des droits des salariés en matière d’enregistrement vidéo au sein de l’entreprise, il s’expose donc à une condamnation civile potentiellement doublée d’une condamnation pénale.
Le juge pénal peut considérer qu’une image de salarié(s) captée et/ou enregistrée de façon non conforme porte atteinte à la vie privée d’autrui (1), ce qui constitue une infraction pénale lourdement sanctionnée (45.000 euros d’amende et un an d’emprisonnement).
La surveillance de vos salariés doit être justifiée et ne doit en aucun cas porter atteinte à leur vie privée.
En l’absence d’information préalable du salarié et de consultation des représentants du personnel, les images ne peuvent être exploitées.
Dans cette affaire, le système de vidéosurveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l’entreprise, permettait également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés. Ce dispositif avait été utilisé par l’employeur afin de recueillir et d’exploiter des informations concernant personnellement une salariée, qui avait alors été licenciée pour faute grave sur la base des images enregistrées.
La Cour de cassation énonce que l’employeur aurait dû informer les salariés et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin et qu’à défaut, le moyen de preuve tiré des enregistrements de la salariée devait être considéré comme illicite.
Cass. soc. 10-11-2021 n° 20-12.263
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 novembre 2021, a consacré une évolution dans sa jurisprudence.
il s’agissait de la recevabilité de l’enregistrement vidéo (illicite) d’un salarié.
l’employeur avait en effet utilisé le stockage d’images comme preuve pour licencier un salarié pour faute grave. Dans cette affaire, un pharmacien situé à Mayotte avait installé un système de vidéo surveillance, protégeant la pharmacie des agressions extérieures. Il enregistrait également ses salariés.
Le code du travail contraint l’employeur à avertir préalablement le comité social et économique de l’introduction de moyens de contrôle ( VIDEO notamment, de l’activité du salarié (1).
Surtout, les salariés doivent être informés personnellement de l’installation de ce dispositif de sécurité (2).
En l’espèce, l’employeur avait uniquement informé les salariés par le biais d’une note de service; aucune notification personnelle n’était adressée à chaque salarié.
Ainsi, logiquement l’enregistrement est considéré comme un mode de preuve illicite par la Cour de Cassation.
L’apport essentiel de l’arrêt se concentre sur ce SEUL point; en effet la chambre sociale précise que : « L’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Ainsi, les juges du fond avant de juger illicite une preuve, devront mettre en balance le droit invoqué et la protection des droits du salarié.
En réalité la chambre sociale fait ici l’application de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, du 17 octobre 2019 Lopez Ribalda c. Espagne (3), qui impose depuis cette date aux juges : « prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l’importance des éléments en question ».
On peut s’interroger sur le potentiel bouleversement de cette jurisprudence sur la protection accordée au salarié dans le cadre d’un litige contre son employeur.
Les dispositifs de vidéo-surveillance ne faisant que se répandre au sein des villes et désormais au sein des entreprises, la mise en balance des droits par les tribunaux va sans nul doute se faire sur le fil du rasoir.
(1) : Article L2312-38 du code du travail : Le comité est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en ½uvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés
(2) : Article L1222-4 : Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
(3) : Arrêt Lopez Ribalda c. Espagne : https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-12631